Fête de Saint François Xavier

Homélie de Roland Laneuville, p.m.é.
Laval, jeudi 3 décembre 2020

Auteur: André Dionne, pmé

En cherchant si François Xavier pouvait nous être un bon patron en ce temps de pandémie, j’ai trouvé beaucoup plus que j’aurais imaginé.
 
François Xavier part de Lisbonne le 7 avril 1541, à bord d’un bateau à voile.  Il n’arrive à Goa, l’objectif de son voyage, qu’après treize mois de navigation…treize mois de confinement!  Celui que nous considérons comme le grand missionnaire dont les bras auraient été épuisés de baptiser, eh bien! Il a connu aussi – et beaucoup—des moments de passivité.  Il a vécu ce que nous éprouvons dans ces temps de pandémie.   Pour lui, la COVID-19 avait pour nom « las calmas ».  En effet, les bateaux étaient souvent retenus d’avancer, lorsque, sur une mer d’huile et le vent manquant dans les voiles, « las calmas » retenaient les navires au large des côtes africaines, parfois durant 40, 50 ou 60 jours, dans une chaleur intolérable, avec des fièvres et les décès qui s’ensuivent. « Las calmas » ou « les maudites accalmies » pourrions-nous traduire.   
 
Alors qu’il naviguait « par le royaume des poissons » selon ses propres mots, François s’employait à visiter les malades comme infirmier et consolateur.  À ce rythme-là il tarda cinq mois pour arriver à l’île de Mozambique, où il hiverna et vécut un autre confinement de 400 à 500 personnes sur un espace minuscule.  On le trouvait joyeux, mais il écrivait lui-même : « Je me retrouve dans un état médiocre ».  Puis, de l’île de Mozambique, son bateau remonte la côte jusqu’à Malindi, au Kenya, puis l’amène enfin à Goa. 
 
Ses périples missionnaires, échelonnés sur douze années, lui font parcourir près de 100,000 kilomètres, de l’Inde au Japon et aux portes de la Chine : un exploit digne d’Alexandre le Grand.  Tout cela est vrai et bien connu.  Il reste que, « à côté d’une activité débordante, l’apôtre est soumis à de lourdes passivités » écrit XL Dufour (« Saint François Xavier, Itinéraire mystique de l’apôtre » p. 156).  Sur presque 12 ans de mission, il navigua 3 ans et sept mois.  Il a passé en mer un jour sur trois.  Si le Vatican cherche un saint comme modèle pour nos confinements actuels, François est la réponse.  François, l’infatigable prêcheur et baptiseur?  Non. Ce François-là n’est pas notre modèle durant la COVID, mais oui, François, le pauvre infirmier, l’apôtre inutile un jour sur deux.
 
Je suis particulièrement frappé par un de ses écrits lorsqu’il ressentait particulièrement l’impossibilité de l’action.  François Xavier disait : « Qu’il me donne la grâce d’ouvrir le chemin aux autres, puisque moi je ne fais rien. »  « No hago nada! » selon le texte original. Voilà un extraordinaire missionnaire qui trace le chemin aux autres, et pourtant il ressent qu’il ne fait rien! C’est la phrase la plus inspirante de François Xavier en ce temps de pandémie! 
 
Quinze cents ans plus tôt, un autre apôtre au cœur de feu a vécu ses « calmas » et ses « COVID » lui aussi.  C’est ce que Paul nous livrait dans la première lecture de la messe : « Ne sachant qu’espérer, mais non désespérés; terrassés mais non annihilés, nous portons en notre corps les souffrances de mort de Jésus…afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle ». II Cor 4, 9-11
 
En ces temps de pandémie, où que nous soyons, physiquement; dans quelque état d’esprit que nous soyons, psychologiquement; en attente de vacances ou de nomination, limités dans notre action apostolique, dans l’adversité ou le sentiment de diminution, plutôt inactifs à cause de la maladie ou de l’âge, c’est le François Xavier de la patience que nous invoquons plutôt que celui dont la gorge s’éraillait à force de catéchiser ou dont les bras s’épuisaient à force de baptiser.
 
Quand notre assemblée générale 2013 disait que la vision de la mission la plus inspirante était celle de la mission comme présence, elle ne prévoyait pas le temps actuel de pandémie et de confinement mais elle ne pouvait mieux dire pour nous encourager aujourd’hui.  Nous sommes missionnaires même si notre action est réduite à presque rien.  Rester là, être là.  Avec François, nous disons « no hago nada » mais nous restons missionnaires.  Notre mission est dans la qualité de notre être avant d’être dans l’action, répétons-nous souvent depuis l’assemblée générale 1997 (#147).    
  
« Béni soit le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque affliction que ce soit. » II Cor 1, 3-4   
 
Roland Laneuville