Pourquoi l’Asie semble-t-elle si importante aux yeux du Pape François ?
Depuis les tout premiers moments de son pontificat, le pape François a insisté sur la nécessité pour les catholiques de « sortir à la rencontre des périphéries » de l’Église, et avec ses nombreux voyages en Asie, le pape lui-même a joint le geste à la parole. Ainsi cette prochaine visite du Pape sera son cinquième voyage en Asie. Dès 2014 il était allé en Corée, puis en 2015 au Sri Lanka et Philippines, en 2017 en Birmanie et Bangladesh, et en 2019 en Thaïlande et au Japon.
Mais pourquoi l’Asie est-elle si importante aux yeux du pape François? Pourquoi croit-il que l’avenir de l’Église est en Asie ? Ses nombreuses visites sur le continent asiatique, et ses nombreuses nominations de prélats asiatiques à la curie romaine et aux nonciatures au cours des dernières années semblent démontrer un virage asiatique, témoigner de nouvelles priorités du Vatican, et confirmer l’importance particulière que ce pape accorde au moins chrétien mais au plus peuplé des continents.
François est depuis longtemps fasciné par l’Asie. On a parlé de son attachement personnel et de son désir, lorsqu’il était jeune, de partir comme missionnaire au Japon. Certes, mais la vraie raison n’est pas là. L’intérêt de François pour l’Asie est moins sentimental que géopolitique. Les chrétiens ne représentent que 7% de la population en Asie-Pacifique, contre 86% en Amérique, 76% en Europe et 63% en Afrique subsaharienne, mais leur proportion a plus que doublé en un siècle. L’Église catholique, comme le christianisme en général, affiche un dynamisme rare en Asie. Le nombre de ses prêtres et de ses religieuses y est en forte augmentation, alors qu’il est en diminution nette en Europe et en Amérique.
Jean-Paul II déclarait en 1995 : « Nous pouvons prier pour que tout comme la Croix a été plantée au premier millénaire sur le sol européen et au second millénaire sur les sols américain et africain, elle puisse récolter au troisième millénaire une grande moisson de foi en Asie ». C’était l’année où Jean-Paul II a rassemblé en Asie, plus précisément aux Philippines, les audiences les plus nombreuses de tout son pontificat.
Selon le pape François, l’Asie est un continent en pleine ascension en termes de pouvoir et d’influence, et de ce fait constitue donc un enjeu extrêmement important pour le catholicisme, puisqu’il s’agit d’un continent au potentiel immense pour l’évangélisation. Les voyages répétés du pape François en Asie confirment les enjeux que représente pour lui l’espace asiatique pour l’avenir de l’Église. Aujourd’hui, le pape François ne cache plus que l’une des priorités de son pontificat n’est plus cette Europe sécularisée que l’on regardait avec inquiétude, mais bien l’une de ces « périphéries » qui sont au cœur de sa vision pastorale, et particulièrement le continent asiatique où se jouera selon lui l’avenir du christianisme.
C’est un fait que le centre de gravité de notre planète est désormais en Asie, avec le dynamisme et la montée en puissance de ce continent (Chine, Inde, Vietnam, Pakistan, Corée, etc…). Et le catholicisme ne peut passer complètement à côté, s’il veut rester une religion importante au plan mondial. Or, de ce point de vue, l’évangélisation du continent dans le passé y a été un échec : seule 3,2% de la population asiatique est catholique, une toute petite minorité. Et malheureusement les efforts d’évangélisation du passé y ont été souvent violents, ne tenant guère compte de la richesse culturelle de ces pays. Matteo Ricci, un jésuite, déjà en 1682, a échoué à faire comprendre au pape la nécessité de consentir à une forme d’inculturation; ce fut la fameuse querelle des rites.
Mais si le christianisme pèse en Asie, c’est plus par la nature de son message que le nombre de ses fidèles. En effet, en Asie, où vit 60% de la population mondiale, les chrétiens demeurent très minoritaires. Ils ne sont souvent qu’une goutte d’eau dans des océans hindouiste, bouddhiste, taoïste ou musulman. En revanche, à la différence de l’Europe où il est en crise, le christianisme en Asie interpelle parce qu’il est associé aux valeurs de modernité, de démocratie et de liberté, alors que le bouddhisme, l’hindouisme et le confucianisme apparaissent moins en prise avec la réalité.
Le christianisme est aussi en Asie une religion qui a une bonne image, et très investie dans le social. À Hong Kong par exemple, les chrétiens représentent 5% de la population, mais 25% des écoliers sont scolarisés dans un établissement catholique. C’est encore plus vrai en Inde, où le secteur social bénéfice d’une grande présence d’Églises. Voilà donc la preuve que le catholicisme a encore son mot à dire sur ce continent, à condition qu’il sache s’imprégner de la culture de ces populations, et ne pas se présenter comme une religion importée. C’est là tout le pari du pape François.
Pour le pape François, l’Asie est donc la terre d’avenir du Christianisme. Les Églises d’Asie, terre de multiculturalité, y sont selon lui des Église missionnaires. Ainsi lançait-il il y a quelques années cet appel à la Fédération des Conférences Épiscopales d’Asie : « Continuez d’aller à la rencontre d’autres religions et cultures, tout en conservant la singularité de chaque Église. La diversité culturelle et religieuse de votre continent a tracé le chemin à suivre à l’Église catholique, confrontée partout à de nombreux défis »